Si l'impact du CO2 sur le réchauffement climatique est affirmé par une majorité de scientifiques, même les "sceptiques" du réchauffement comme Claude Allègre s'accordent à dire qu'il faut lutter contre l'augmentation du taux de CO2 dans l'air, ne serait-ce qu'à cause de son effet sur l'acidification des océans, mais aussi pour maîtriser la fin des ressources fossiles.
Mais comment réduire le taux de CO2 dans l'air ? Bien que non spécialiste, je me suis livré à une petite tentative de synthèse, en essayant de distinguer les solutions d'ordre technique de celles d'ordre politique. Les commentaires sont bienvenus, et seront pris en compte dans la mesure du possible.
1. Les solutions techniques.
Techniquement, il y a deux approches : réduire les émissions, ou augmenter la séquestration.
1.1 Première approche : réduire les émissions de CO2 en réduisant la combustion fossile
C'est la solution habituellement avancée notamment par les écologistes.
Le CO2 est principalement émis dans l'air par les combustions naturelles ou anthropiques : de bois, de gaz, de charbon, de pétrole. En ce qui concerne le gaz, le charbon et le pétrole, dont les stocks diminuent et sont très longs à rétablir de façon naturelle, la tendance est inéluctable. La question porte donc sur la nécessité ou non de ralentir notre utilisation, ce qui aurait en outre l'avantage de prolonger la durée de vie des techniques énergétiques basées sur ces combustibles.
Pour illustrer : si la capacité d'absorption de CO2 de la terre est de 50 unités par an, et que nous en émettons par combustion 100 par an, alors que notre stock de carburant est de 1000, alors nous allons émettre 100 par an pendant 10 ans, et le taux de CO2 va augmenter de 50 par an pendant 10 ans. Si nous réduisons notre combustion à 50 par an, alors pendant 20 ans, nous allons profiter de nos combustibles fossiles sans augmenter le taux de CO2 de l'air.
Mais comment réduire les émissions de CO2 ? Il y a plusieurs approches :
- Remplacer l'énergie fossile par d'autres énergies primaires moins émettrices : force humaine (le vélo au lieu de la voiture, par exemple), éoliennes, solaire, géothermie, barrages, osmose, nucléaire, biomasse, centrales charbon "propre" qui capturent le CO2, ou tout autre technique existante ou à inventer. Concernant la biomasse, le gain réside plus dans le fait que pour produire cette biomasse, on capte du CO2 dans l'air pour produire la plante qui ensuite est brulée pour rendre une partie de son énergie et rejeter à nouveau du CO2. Ces méthodes sont celles qui sont beaucoup mises en avant, car elles sont les plus "voyantes".
- Réduire notre consommation d'énergie en améliorant l'efficacité énergétique des systèmes qui transforme l'énergie fossile en électricité, mouvement, chaleur. Par exemple, un moteur thermique de voiture est surtout une chaudière puisque seuls 30 à 40% de l'énergie est convertie en mouvement, le reste l'est sous forme de chaleur. Réduire l'utilisation d'engrais en agriculture réduit également la consommation énergétique et les émission de gaz à effet de serre.
- Réduire notre consommation d'énergie en réduisant l'activité consommatrice d'énergie. Par exemple en relocalisant certaines industries ou agriculture, on peut réduire la demande en transports. En construisant des objets qui durent deux fois plus longtemps, on réduit d'un facteur deux la consommation annuelle des mêmes objets et donc la consommation d'énergie associée à cette production. Ce sont les mesures les moins chères, car l'énergie non consommée est la moins chère ! Mais c'est sur thème que les adversaires des écologistes leur reprochent de prôner une forme de "décroissance morbide". Elle semble toutefois de bon sens, même si elle remet en cause la "société de consommation", véritable fuite en avant vers des flux de plus en plus rapides "production -> consommation -> déchets" de façon à maximiser les revenus de la production en augmentant la consommation : maximiser la consommation n'est pas forcément source de bien-être, en tout cas pour un humaniste qui croit au progrès en science et conscience, plus qu'au progrès consumériste.
1.2 Seconde approche : augmenter la séquestration et l'enfouissement du CO2
Ces techniques, bien évidemment défendues par les pays pétroliers, consistent principalement à :
- Améliorer la séquestration naturelle des surface terrestre ou océanique :
- Convertir des surfaces végétales en prairies ou forêts qui jouent le rôle de "puits de carbone", grâce au mécanisme de la photosynthèse. Certaines techniques à base d'algues sont également expérimentées.
- améliorer le potentiel de captation de l'océan, en dopant par exemple le plancton à l'aide de fer. L'impact de ces techniques est encore mal connu et risqueraient de détériorer les équilibres des éco-systèmes marins, ou d'acidifier les océans, l'un des phénomène qu'il faut justement combattre !
- Mettre en place des techniques artificielles de "puits de carbone", soit en sortie des centrales à charbon, par exemple, soit par des dispositifs dédiés. Un institut britannique a par exemple récemment publié une étude sur des "arbres artificiels" qui capteraient le CO2 par filtrage.
Mais au delà du captage du CO2 de l'air, il faut le stocker, sans qu'il ne risque de se libérer à nouveau trop rapidement. C'est la difficulté de l'approche. Plusieurs solutions sont à l'étude : stockage dans le fond des océans, ou stockage géologique.
- Le stockage au fond des océans peut avoir des conséquence dangereuses comme l'acidification, l'un des phénomène qu'il faut justement combattre ! On évoque toutefois une technique consistant à stocker le carbone en déposant les résidus des récoltes comme les fanes de blé au fond des "éventails alluviaux" dans les bassins océaniques profonds. La biomasse serait ainsi recouverte par les alluvions et enterrée dans la vase du plancher océanique où elle serait emprisonnée pour un temps important.
- Le stockage géologique semble plus prometteur et moins risqué. Il est envisagé de réinjecter le carbone dans des champs pétrolier.
2. Les solutions politiques
Plusieurs leviers sont possibles, visant à favoriser l'éclosion de tout ou partie des solutions précédentes.
2.1 Des mesures interventionnistes directes
J'en vois deux principales :
- Contraindre de façon autoritaire les comportements producteurs de CO2 : interdire la voiture, réduire la taille des routes ou la vitesse limite sur les routes, rationner le fuel de chauffage ou l'électricité... Ces mesures ont l'avantage de coûter peu, mais se heurtent parfois aux questions de liberté individuelle, et sont vécues comme des régressions.
- Subventionner tout ou partie de la recherche ou déploiement des techniques évoquées, mais lesquelles ? Le risque est de favoriser telle ou telle technique au détriment d'une autre qui pourrait s'avérer plus efficace a posteriori, et créer des polémiques sur des conflits d'intérêts à l'origine de favoritisme pour telle ou telle technique.
2.2 Des mesures indirectes pour orienter l'économie
J'en vois trois principales :
- Taxer la production de carbone ("taxe carbone") : c'est un levier intéressant, mais il faut prendre garde à ce qu'il soit homogène pour toutes les technologies émettrices de CO2, et homogène mondialement, ou alors l'assortir de taxes aux frontières entre les zones qui l'appliquent et celles qui ne l'appliquent pas.
- Créer un marché du carbone pour mobiliser l'économie (y compris les investissements en recherche) autour d'objectifs de réduction des émissions nettes de l'économie. Ces mesures ont l'avantage de donner "du grain à moudre" aux financiers et donc de permettre des investissements réducteurs de CO2, mais l'inconvénient de faire émerger des acteurs forts plus intéressés par les gains financier sur le carbone que par l'intérêt général, voire de générer des bulles spéculatives sur l'évolution du prix du carbone, et mobilier les acteurs financier pour faire monter ce prix du carbone, en soutenant les "catastrophistes" pour créer la psychose générale. En effet, les pays ou les entreprises qui sauront piéger le carbone à sa source auront un sérieux avantage sur le futur marché des "quotas d'émissions" qui semble se développer, et pour que ce marché soit le plus lucratif pour ces dernières :
- Il faut que le prix du CO2 soit maximal. Si le prix en est fixé par les états, et basé sur des objectifs de réduction les plus contraignant possible, c'est tout bénéfice, d'où une tendance naturelle à être très alarmiste pour que les contraintes sur les émissions décidées par les états soient maximales. Les détracteurs du réchauffement climatique accusent les "réchauffistes" et en particulier Al Gore d'être motivés par des gains financier sur ce marché. La banque Goldman-Sachs semble également miser massivement sur une hausse du prix du carbone.
- Il faut que ce marché soit maximal en volume, et ainsi toute mesure de type "réduction de l'activité" est néfaste pour eux car elle réduit la demande. D'où les accusations de "décroissance morbide" contre toutes les mesures visant à réduire ce marché.
- Fixer des objectifs globaux de réduction globale du CO2 émis (en net). C'est l'enjeu de Copenhague, avec la difficulté de la répartition des efforts, l'idéal étant que l'effort soit maximal là où il est le plus rentable : définir des quotas a priori n'est donc peut être pas une mesure idéale. Par contre on peut imaginer qu'il soit plus efficace d'aider les pays en voie de développement à développer une économie directement "propre", plutôt que de convertir les investissements existants et non encore amortis, dans les pays développés. C'est tout l'enjeu de Copenhague. Car pousser une telle politique risque aussi de voir l'occident perdre son leadership dans l'économie future "post pétrole".
3. Conclusions
Les politiques ne doivent pas se faire aveugler par les bonnes intentions affichées qui cachent aussi d'énormes intérêts financiers, et rester garant de l'intérêt général. Et en l'occurrence, l'intérêt général, c'est :
- Aller au bon rythme : ni trop lentement pour ne pas trop mettre en péril l'écosystème, ni trop vite pour ne pas porter l'effort sur le CO2 au delà du nécessaire, au détriment d'autres sujets tout aussi graves comme la faim dans monde, le traitement des déchets, la préservation de la biodiversité... C'est LA question qui devrait faire débat aujourd'hui.
- "Récompenser" la contribution à l'objectif collectif de façon homogène géographiquement et pour toutes les techniques, sans prendre parti pour telle ou telle, afin de ne pas freiner les innovations à venir. S'ajoute également la question centrale de Copenhague concernant la politique vis à vis des pays en voie de développement : il se pourrait qu'il soit plus facile pour les pays en voie de développement de passer directement à des technologies "propres", car il y moins d'investissements existant à rentabiliser que dans les pays développés.
Mais le problème est complexe car des enjeux géopolitiques et notamment celui de la place des pays industrialisés dans le monde futur ne doivent pas être ignorés : qui gérera l'énergie de demain ?
Commentaires
La phrase suivante mérite d'être commentée:
"Le stockage géologique semble plus prometteur et moins risqué. Il est envisagé de réinjecter le carbone dans des champs pétrolier".
La plupart des expérimentations de CCS en cours injectent en effet le CO2 dans d'anciens champs pétroliers ou gaziers épuisés. Beaucoup se situent off shore ce qui rend les contrôles d'étanchéité assez problématiques et minimise en principe les conséquences des fuites. Si l'on s'en tient à ce type de sites, il est facile de prévoir que les capacités de stockage seront vite saturée et surtout que l'acheminement du CO2 sur de très longues distance constituera un obstacle rédhibitoire. (Une récente étude hollandaise considère qu'au delà de 150 KMS l'acheminement du CO2 n'est pas envisageable).
Un stockage en quantité significative ne pourrait être envisagé que dans les aquifères salins profonds situés à proximités des sources de CO2 (centrales, cimenteries etc ) et là, les problèmes de fuites éventelles sont rédhibitoires.
En fait cette technologie, dont les tares ont pu être décrites par la formule « trop risquée, trop chère, trop peu , trop tard », est un alibi utilisé par le lobby du charbon. La dissimulation des risques majeurs de fuites hors des aquifères profonds est systématique. Les spécialistes du lobbying ont beau jeu d’abuser de décideurs qui multiplient publiquement les preuves des consternantes lacunes de leur culture technoscientifique. Ainsi sont différées les mesures urgentes d’économies énergétiques et confisquées les ressources qui devraient s’investir dans les véritables énergies propres. Compte-tenu de la progression cataclysmique du dérèglement climatique au cours des dix dernières années et de son accélération prévisible lors des dix prochaines du fait des rétroactions « positives » que constituent la réduction de l’albédo des pôles et la libération de méthane due à la fonte du permafrost, c’est se moquer que de promouvoir des « usines à gaz » prétendues opérationnelles à l’échéance 2020 voire même 2030.
@escaravage : Merci pour votre commentaire éclairant sur le stockage en sous-terrain. je vais essayer de mettre à jour la note en conséquence.
Je suis bien évidemment en désaccord avec votre constat catastrophiste sur l'évolution climatique des 10 dernières années liée à l'activité humaine (j'ai des doutes), et sur les prévisions à 10 ans : et on se sentirait bête s'il s'avérait que malgré nos efforts de réduction d'émission, ça se réchauffait quand même...
Aujourd'hui je ne crois pas qu'on soit suffisamment sur des prédictions climatiques à 10 ans pour assurer qu'il n'est pas nécessaire aussi d'avoir un "plan B" qui ferait l'hypothèse que le réchauffement se produirait malgré tout, pour des raisons autre que le CO2 (soleil ou autre).