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Annulation de mariage

Une affaire a récemment fait la une : l'annulation d'un mariage par la justice, à la demande notamment du mari qui reprochait à sa femme de ne pas être vierge contrairement à ce qu'elle lui avait annoncé, invoquant l'article de loi qui stipule : "s'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage."

Tollé et contestation de la décision de justice, à gauche, à droite, chez les féministes, et comme le dit Pierre Catalan sur son blog, il y a peut-être parfois même un peu d'islamophobie derrière certains propos. Je ne voudrais d'ailleurs pas le paraphraser, mais je partage à 100% son point de vue : la décision a été la bonne. Pour détailler mon point de vue, je ferais deux types d'objections aux critiques : de forme et de fond.

Sur la forme :

C'est une décision de justice, et la justice est indépendante. Il y a des moyens de faire appel, il existe des recours si besoin mais laissons la faire son travail,

Ne faisons pas le procès de la culture musulmane ou de ses excès au travers de cette affaire, en invoquant les pressions faites sur les femmes, les combats de "ni putes ni soumises", etc. C'est un combat qu'il faut mener mais qui n'est pas l'objet de ce jugement.

Sur le fond, voici mes objections à la plupart des critiques que j'ai pu trouver.

La justice n'aurait pas "défendu les plus faibles", ai-je lu parfois.

Je ne pense pas : la décision a-t-elle nuit à l'une ou l'autre des parties ? Non. Le mari était vraiment déçu et souhaitait annuler le mariage. Une fois que son mari a dit qu'il souhaitait annuler, j'imagine que la femme ne souhaitait pas rester avec lui. Elle était d'ailleurs d'accord pour l'annulation. Le jugement satisfait donc les deux parties et en outre sort cette femme de ce fatras. Il ne gêne personne à part ceux qui en font une affaire philosophique ou politique, à mon sens déplacée. A noter que par rapport à un divorce, il permet aussi à chacun de repartir avec un "casier vierge" (sans jeu de mot).

Le critère de virginité ne serait pas une "qualité essentielle", dixit certains

Que celui qui peut m'énumérer ce que seraient des critères essentiels absolus se manifeste : c'est bien évidemment quelque chose de complètement subjectif, propre à chacun. Celui qui demande une annulation pour manquement à un critère essentiel doit faire la preuve que pour lui le critère est essentiel (culture, croyances, tradition, critère personnel, ...) et qu'il y a eu un "mensonge". Et à la justice d'apprécier au cas par cas en fonction des arguments des différentes parties.  La décision ne fait aucunement l'apologie de la culture du monsieur. Elle ne dit pas "pour vous marier, mesdames, il faut être vierge". Elle dit "mesdames si vous vous mariez avec un monsieur qui attache beaucoup d'importance à la virginité ce qui est un critère personnel à chacun, avant de vous marier dites-lui si vous ne l'êtes plus".
Cette décision, c'est donc aussi reconnaitre à chacun la liberté d'avoir ses propres "critères essentiels".

Utiliser la virginité comme critère essentiel ne respecterait pas l'égalité homme-femme, car une femme ne peut dissimuler sa virginité alors qu'un homme le peut plus facilement : on prive ainsi les femmes d'une liberté sexuelle.

Certes une femme ne peut masquer sa non virginité, mais un homme a aussi du mal à masquer son impuissance : y a-t-il eu un tollé à chaque recours en annulation d'une femme pour impuissance de son mari ? Croire que l'égalité homme-femme peut s'étendre jusque dans des sujets très liés à l'intime et au physique est un leurre. Si on doit tendre à l'égalité sur de nombreux points, le raisonnement a parfois ses limites. Attention à ne pas sombrer dans l'extrémisme égalitaire ou dans la normalisation excessive, au détriment des libertés.

860825776.pngUtiliser le critère de virginité pour une décision de justice ne serait pas "laïc".

Il me semble qu'il s'agit d'un amalgame. Ce monsieur accordait de l'importance au fait que son épouse soit vierge avant le mariage, et il pensait d'ailleurs qu'elle l'était.... jusqu'à la nuit de noces. Il se trouve que ce monsieur était musulman apparemment, mais il aurait pu être catholique : la décision de justice aurait été la même. Car la décision n'est motivée que par le fait que le monsieur ne savait pas avant le mariage, et que la dame savait que c'était important pour lui et qu'elle a mentit délibérément. Le jugement ne se base pas sur une quelconque appréciation de la culture religieuse du monsieur, que justement la laïcité interdit. Les opposants à la décision aimeraient bien, eux, que l'appréciation négative qu'ils ont sur ce critère soit pris en compte dans le jugement...

Finalement, je me demande ce qu'auraient fait ceux qui contestent cette décision à la place du juge : auraient-ils (1) laissé cette femme avec ce monsieur, (2) dit à ce monsieur de faire une demande de divorce ?

En conclusion : loin de moi l'idée de nier l'existence des discriminations les plus courantes, qu'il faut combattre ; loin de moi aussi l'idée de défendre la conception de ce monsieur sur le fait que la virginité soit un critère essentiel. Loin de moi enfin l'idée de cautionner les abus et les pressions faites à certaines femmes musulmanes, qu'il faut combattre aussi -cette femme avait d'ailleurs peut-être des raisons pour mentir-.  Je pense tout simplement :

  • qu'il n'y a pas de norme universelle sur ce qu'est un critère essentiel et qu'il faut aussi respecter ceux qui n'ont pas les mêmes que nous. Les critiques donnent l'impression de vouloir imposer leur conception du mariage à tout le monde. L'égalité ou la liberté de mentir doit-il l'emporter sur la liberté de conception de ce qu'est un mariage ?
  • qu'il ne faut pas mélanger les sujets : juridique, politique, éthiques, cas particuliers et cas général, problème de couple et problèmes de pressions familiales. La vraie question, ce serait de savoir en effet ce qui a poussé cette femme à mentir à son mari, mais c'est hors sujet.

Lien  : l'article d'Eolas, cité aussi par P. Catalan, et qui détaille les arguments et reprend le texte du jugement.

Commentaires

  • salut,
    je partage parfaitement tout ce que vous avez dis .Moi j'ai pensé que cette histoire cache d'autres.N'est-il fait exprès pour oublier les problemes du pouvoir d'achat, prix du petrole......etc


    amicalemnt

  • Et si demain un homme trouve "essentiel" que sa femme soit excisée, il faudra que la justice lui accorde l'annulation du mariage en cas de tromperie sur la marchandise ?

  • Tes propos sont doublement tendancieux :
    1. Laisser croire que je considère la femme comme une marchandise, est tendancieux. La question essentielle, c'est le mensonge. Il faut combattre avec énergie les raisons qui ont poussé cette femme à ce mensonge, s'il y en a, ce que l'on peut soupçonner, mais c'est une autre affaire. Et le juge ne sanctionne pas la femme : elle aussi voulait se séparer de son mari.

    2. Laisser croire que je pourrais aussi accepter comme qualité essentielle l'excision, alors que cet acte est interdit en France et même passible de Cour d'Assise comme toute mutilation, est là aussi tendancieux. Et laisser croire qu'un juge pourrait le faire, c'est aussi avoir peu d'estime de cette profession.

  • @ Weirdman: rassure-toi, je n'ai jamais pensé que tu pouvais avoir des idées aussi infâmes. Mais propos ne sont pas tendancieux, j'ai juste cédé au plaisir de la provoc' (chacun son tour...). Si tu veux, tu peux remplacer dans mon exemple précédent "excisée" par "vraie blonde"...

    Sur le fond, je conteste ton analyse selon laquelle les "qualités essentielles" seraient relatives à la personne qui demande l'annulation. Cela me semble aller contre tous les principes d'universalité du droit. Quand les termes de la loi sont flous comme ici, il y a une jurisprudence qui s'élabore au fil des décisions de justice rendues et qui permet de "préciser" la loi. Cette décision crée donc un précédent fâcheux qui pourra être invoqué ultérieurement par n'importe qui.

    Pour répondre à la question de ton post d'origine : oui j'aurai demandé au monsieur de demander le divorce. Si la femme aussi voulait se séparer, ils auraient divorcé par consentement mutuel.

    Pour finir, il faut constater que ni l'islam, ni la religion catholique ne reconnaissent la non-virginité comme une cause valide d'annulation de mariage. Il est donc "amusant" de voir que la justice ait été plus rigoriste que ces deux religions, pourtant peu réputées pour leur laxisme en la matière...

  • Non : encore une fois, il me semble que la mari avait fait part de l'importance du sujet à sa femme avant le mariage.

    Mais si tu avais demandé un divorce et que la mari avait refusé, voulant une annulation, çà aurait surement allongé la procédure. Il se trouve qu'au départ, la femme était prete à un divorce mais que la mari à finalement demandé une annulation.

    Le fait que ni l'islam, ni la bible ne reconnaisse la non viriginité comme cause d'annulation prouve bien que ce n'est pas un problème de religion, mais bien personnel, et donc ceux qui invoquent des problèmes de laïcité se trompent un peu, non ?

    Je ne suis pas juriste, mais il me semble qu'encore une fois les nouveaux cas ne pourraient être que des cas où la femme cache sa non virginité avant la mariage : or vu ce qui vient de se passer, j'imagine qu'elles éviteront. Le danger est plutôt qu'elles se fassent opérer pour redevenir vierge. Mais un divorce aurait eu le même effet sur ce point.

  • Non, un divorce n'aurait pas été plus long (pas d'enfant) : le jugement d'annulation a mis près de deux ans à être rendu ! Surtout, un divorce aurait évité d'étaler sur la place publique la vie privée et l'intimité de la femme. Il aurait évité aussi de mettre un peu plus la pression sur les femmes qui ont peur de révéler leur non-virginité et sont contraintes comme tu le dis de se faire opérer pour "redevenir vierge".

    C'est bien évidemment un problème de religion, qui peut croire que le tribunal aurait accedé à la demande si l'homme n'avait pas été musulman pratiquant (ou catholique intégriste ou juif orthodoxe...) ? Il aurait rigolé un bon coup et l'aurait envoyé paitre, oui !

  • Sauf erreur, je ne crois pas que la décision judiciaire fasse allusion à quoique ce soit de religieux : simplement au fait que l'homme accordait de l'importance à la virginité de sa femme, et que sa femme le savait et l'a reconnu, et qu'elle a "menti" en toutes connaissance de cause. (cf site d'EOLAS en lien en fin d'article)

    Bien sûr un divorce par consentement aurait été facile. Mais si le mari, poussé par son avocat, voulait une annulation à tout prix c'est moins évident...

    Le cas n'est pas facile sans être dans le bain et connaitre le contexte détaillé et précis, et je trouve l'unanimisme du tollé contre la décision de justice un peu "too much" car il n'est basé que sur des violations de principes généraux alors que là il s'agit d'un cas particulier qui réunit de nombreuses conditions, et n'augure rien d'autres cas qui seront forcément différents.
    Quand je lis des réactionqs du type "désormais il faudra un test de virginité pour se marier", c'est du grand n'importe quoi.

  • Je n'arriverai apparemment pas à te convaincre, sans doute avons nous des conceptions différentes de l'égalité et de la liberté, ou nous ne leur accordons pas la même importance.

    J'espère au moins t'avoir convaincu que parmi les gens qui contestent fortement cette décision, il n'y a pas que des excités irréfléchis (même s'il y en a aussi, comme toujours).

  • Le sujet pour moi n'est pas évident. Et ma note était surtout là par esprit de contradiction face à cet unanimisme "contre", qui a mon avis est aussi un peu démago de la part de certain(e)s, voire un peu yallatollah de la défense des femmes et de l'égalité homme/femme, ou yallatolah de la laïcité.
    La position d'un juge n'est jamais facile, et ne prend pas en considération que des "principes" j'imagine, mais aussi des situations humaines.
    C'est un peu notre débat passé "cool" vs "réglo". Face à un con pas du tout cool (le mari), mais très réglo sur des principes qu'on peut trouver cons (ma femme doit être vierge avant le mariage), faut-il opposer d'autres principes (liberté de mentir à son mari, égalité homme/femme, laïcité) et être hyper réglo en ne tolérant aucune exception, ou peut-on être un peu cool si çà ne dérange aucune des deux parties ? Je suis en général un peu contre les idéologies "absolues" et pour le pragmatisme, or là j'en vois poindre, des idéologies.

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