Cette semaine, je suis en formation professionnelle dans une école de la catégorie qu'on appelait autrefois "de commerce" mais qui s'appelle aujourd'hui "de management". Aujourd'hui, l'un des cours portait sur la gestion du stress, le sien, mais aussi celui des autres. Un phénomène médiatisé par de récents suicides, qui ne sont en fait que la partie immergée d'un énorme iceberg. Un énorme iceberg qui contrairement à celui des pôles, ne fond pas, lui, mais au contraire, grossit. Et la France est très en retard sur le sujet, par rapport notamment aux pays scandinaves mais aussi à la Grande Bretagne. Car si par exemple des entreprises scandinaves, quand elles planifient un changement de leur organisation, évaluent ce que le stress généré chez les employés par ce changement va coûter, dans certaines entreprises françaises le sujet même du stress est encore tabou ...
20h, fin des cours. L'un des avantages dans ces écoles, c'est la mise à disposition gratuite et en libre service de journaux économiques, que sont par exemple Les Echos, et La Tribune. Ca donne de quoi lire dans le tramway, le soir. Une fois dans la rame du T2, donc, je commence à lire la Tribune. Les titres parlent tout seul :
- "le baril de pétrole dépasse les 115 dollars"
- "la demande propulse le prix du riz à des niveaux sans précédents" : je vous parlais déjà il y a quelques semaine de la spéculation sur le riz et du cas de l'Egypte : l'inflation atteint +60% depuis le début de l'année, les Philippines cherchent désespérement 1 million de tonne, et les gros exportateurs que sont Chine, Inde, Vietnam, Egypte (1/2 de l'export à eux 4) ont annoncé une baisse voire une suppression de leurs exportations... Le blé est aussi touché, bien sûr, avec +90% depuis 1 an. Il va falloir augmenter l'offre et donc cultiver de nouvelles terres, d'après le directeur du bureau de Bruxelle du Programme Alimentaire Mondial.
- "les denrées alimentaires s'envolent en Allemagne" : +8,6% depuis 1 an...
- "les prix à la consommation dérapent en zone euro" : 3,6% sur un an glissant en mars, dont 6,2% sur l'alimentaire et +11,2% sur l'énergie, mais tout de même 2,7% sans ses deux secteurs, l'objectif de la BCE étant 2%.
- "L'inflation pèse sur l'indice de référence des loyers"
- On ne s'étonne donc pas de voir plus loin : "le libre marché ne fait plus rêver". Un sondage international montre en effet que dans de nombreux pays, l'économie de marché est considérée comme le meilleur système, mais que ce soutien s'érode : -15 pts en Corée du Sud, -14 au Chili, -10 aux USA et en Allemagne, -7 en Grande-Bretagne... Seul un pays se distingue : la France, où le soutien à l'économie de marché a augmenté de 5 points ! Paradoxe qui n'est qu'apparent : la France ne fait que se "normaliser", car elle part de très bas : tandis que tous les pays que j'ai cité ci dessus oscillaient il y a un an entre 60 et 80% de soutien à l'économie de marché, la France était à 36%...
Finalement, j'ai une drôle d'impression après toutes ces lectures. Les faits sont listés, c'est factuel, mais il ne transparait aucun sentiment, aucune émotion. Comme si l'économie se résumait à des chiffres, des tableaux Excel et des cours de bourses. Comme si tous ces gents responsables dont on parle étaient mécaniques, froids, dénués de caractère. Comme si tous ces gens qui analysent, décident, n'étaient finalement pas des Hommes, et que tout celà en fait souffrir d'autres. Bref comme si tout celà n'était pas réel, et que tous ces chiffres alarmistes ne devaient pas nous stresser.
Et paf, alors que le train s'arrête à la station Parc de Saint-Cloud, qu'est ce que je lis page 28 : "le stress au plus haut chez les cadres depuis 2004"...
Le T2 arrive finalement à la gare des Moulineaux, et je sors de ce mauvais rêve pour rejoindre mes pénates...