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capitalisme

  • Capitalisme, morale et éthique

    Dans une interview au Figaro, Michel Rocard déclare que "Le capitalisme est cruel, efficace et instable". Il trouve aussi que depuis quelques dizaines années il est immoral et manque d'éthique, et mentionne par exemple le salaire des dirigeants comparé à celui des salariés. Il fait à mon avis une confusion des genres, ou plutôt des "ordres", pour reprendre le vocabulaire de l'ouvrage "Le capitalisme est-il moral ?" d'André Comte-Sponville, que je vais tenter de résumer.

    Contrairement à ce que le titre pourrait laisser croire, l'auteur n'y développe pas une théorie selon laquelle le capitalisme serait im-moral c'est à dire contraire à la morale. Ni non plus une théorie selon laquelle il serait moral. Non : pour lui il est a-moral, c'est à dire ignore la morale. Concrètement, il fait une distinction que je trouve éclairante, entre plusieurs "ordres" :

    1. 760024041.jpgl'ordre technico-scientifique : ce qui est vrai ou faux, possible ou impossible. Cet ordre doit être contraint par un ordre supérieur qui lui dit ce qui est autorisé ou non :
    2. l'ordre juridico-politique : ce qui est légal ou pas dans la loi des hommes. Mais on peut être un "salaud" légaliste, il y a donc un ordre supérieur :
    3. l'ordre moral : ce qui est bien ou mal. Comte-Sponville distingue encore deux ordres supérieurs :
    4. l'ordre éthique : ce qu'on aime ou pas
    5. l'ordre divin, propre aux croyants

    La charte éthique du Modem se situe un peu aux niveaux 3/4.

    La confusion entre les ordres est néfaste, elle peut prendre deux formes : barbarie ou angélisme.

    La barbarie c'est le pouvoir d'un ordre inférieur sur un ordre supérieur comme par exemple :

    1. la tyrannie libérale : le capitalisme qui impose sa loi sur le politique (Monsanto qui corromprait des politiques pour imposer les OGM, pure fiction rassurez-vous)
    2. la tyrannie démocratique, qui proclamerait que tout ce qui est légal ou règlementaire est bien, est moral (Etre un salaud légaliste, qui profite des failles du système, ou se retranche derrière de l'administratif pour justifier son immoralité)
    3. la tyrannie du politicien sur le moral (être prêt à tout pour avoir des élus)

    L'angélisme c'est la tyrannie d'un ordre supérieur, qui tend à annuler les contraintes d'ordre inférieur, comme par exemple :

    1. L'angélisme politique, qui prend la forme du volontarisme, par exemple vouloir enfouir une avenue en ignorant les contraintes techniques et économiques,
    2. L'angélisme moral, qui consiste à transformer des problèmes politiques en problème moraux, le meilleur moyen de ne pas les traiter sur le long terme. Par exemple ne plus croire en la politique, vouloir tout traiter tout par le biais d'ONG : le racisme ? SOS racisme ; la misère ? Les restos du coeur ; la guerre ? L'action humanitaire, Médecins sans frontières, etc.
    3. L'angélisme éthique, qui prétend annuler les contraintes de la morale voire des trois premiers ordres au nom de l'amour. C'est par exemple l'idéologie Peace and Love des années 70.

    Ainsi poser la question "le capitalisme est-il moral" comme le fait indirectement Michel Rocard, c'est mélanger le premier ordre au troisième, et court-circuiter au passage l'ordre politique. Or le capitalisme n'a que faire de la morale, et c'est normal : le but des acteurs du marché en tant que tels est de de faire du profit, "créer de la valeur". Le marché capitaliste (financiers, entreprises, actionnaires, investisseurs...) non biaisé par de la corruption ou une situation de monopole est guidé par ce que les clients demandent, dans le respect des lois. Pas par la morale ou l'éthique. Toyota ne fait pas de voitures hybrides par éthique, mais bien car il espère avoir une clientèle pour celà.

    Individuellement, chacun d'entre nous oscille en permanence entre les logiques de ces 4 ou 5 ordres, c'est ce qui fait la difficulté des décisions. Distinguer les ordre et éviter les "barbaries" ou l'angélisme me semble souvent salutaire.